La quête pour abandonner les systèmes de notation
Samir Hathout
We have a long history in this place. Whether you call it Turtle Island or North America, we have a long, flourishing, Nous avons une longue histoire ici. Qu’on l’appelle l’Île de la Tortue ou l’Amérique du Nord, notre histoire est longue, florissante et diversifiée. Nous avons aussi une histoire coloniale, une histoire remplie de récits aseptisés qui tentent d’effacer notre histoire d’assimilation et de génocide. C’est une histoire qui tente d’ignorer un héritage qui a produit plus de 6 000 tombes non marquées d’enfants de pensionnats et d’institutions civiles qui ont entraîné une violence permanente contre les femmes et les filles inuites, métisses et des Premières nations, et contre les membres de la communauté 2SLGBTQIA+

Si certaines personnes sont indéniablement plus gravement marquées par la colonisation, il ne faut pas se leurrer : nous sommes tous touchés par la colonisation. La colonisation et l’arrivée de l’Occident sur l’Île de la Tortue ont eu un effet sur notre vision du monde, notre histoire, nos langues, nos lois et la façon dont nous vivons et interagissons avec le monde. Il en résulte des systèmes qui réifient cette vision du monde, ce qui est particulièrement évident dans notre système éducatif, où nous éduquons et évaluons de façon à garantir le maintien du système colonial actuel. Conformément aux idées de Marie Battiste, nous devons nous éloigner des systèmes qui soutiennent la pensée coloniale et nous orienter vers un apprentissage holistique, volontaire, expérientiel, communautaire, spirituel et qui dure toute une vie. Pour ce faire, nous devons remettre en question nos programmes scolaires, nos systèmes d’enseignement, nos méthodes pédagogiques et notre façon d’évaluer les élèves. Les pratiques d’évaluation actuelles risquent de confirmer des notions singulières de vérité, d’individualiser l’apprentissage et de naturaliser la compétition. Il me semble que si nous repensons nos systèmes d’évaluation, nos approches pédagogiques et notre enseignement suivront nécessairement.
Au-delà de l’apprentissage de l’histoire
J’enseigne souvent l’histoire du Canada. Malheureusement, l’histoire est très mal comprise et de nombreux élèves redoutent leur premier cours d’histoire, entrant dans la salle de classe déjà anxieux. Ils sont effrayés à l’idée de régurgiter des histoires, des dates et des noms (et certainement pas les histoires, les dates et les noms de tout le monde, d’ailleurs). Si certains élèves craignent que l’histoire ne les représente pas, tous sont terrifiés à l’idée de devoir, à la fin, résumer tout cela dans le cadre d’un examen, d’un test ou d’une présentation à fort enjeu qui mettra à l’épreuve leur capacité à mémoriser et à écrire. En fin de compte, et c’est vrai pour tous les cours et pas seulement pour ceux de sciences sociales, leurs efforts, toute leur expérience et leur trajectoire d’apprentissage, leurs histoires familiales, leurs essais, leurs pensées et leurs questions, leur croissance et leurs rêves pour l’avenir produiront… un nombre. Ce nombre communique de façon réductive le degré auquel l’élève a reçu et représente sa rétention du programme scolaire prescrit dans le format prescrit.
Mais ce système réductionniste des élèves en chiffres n’est pas conforme à l’objectif plus large d’une éducation de qualité dans les écoles publiques. La façon dont nous évaluons nos élèves est liée à la façon dont nous leur enseignons, les traitons et les incluons dans nos écoles. En d’autres termes, si nous évaluons les élèves en histoire sur leur capacité à se souvenir d’informations, nous suggérons qu’il existe une version unique de l’histoire, que nous ne valorisons pas la pensée critique et que nous pensons que l’apprentissage peut être résumé par une évaluation sommative. En revanche, si notre pédagogie reconnaît que l’histoire n’est jamais plus qu’une interprétation du passé, que les élèves s’appuient activement sur des preuves pour en venir à leurs propres interprétations et que l’apprentissage de l’histoire exige nécessairement une pensée critique et historique, alors notre approche en salle de classe et notre méthode d’évaluation devraient également suivre ces principes. L’accent mis sur les pourcentages prépare les élèves à un avenir fait d’individualisme, de compétition et d’idéaux néolibéraux, fomenté par des années d’exposition à ce point d’ancrage tacitement accepté de notre système d’éducation publique, la note chiffrée.
L’enseignement public est censé être le grand égalisateur. Il est censé être pour tous, au bénéfice de tous et pour la durabilité d’une société démocratique florissante et de notre mère la Terre. En tant qu’enseignant, j’ai souvent vu les espoirs et les rêves des élèves s’envoler lorsqu’ils ont vu leurs notes tomber et qu’ils ont « fait le calcul » pour se rendre compte qu’ils n’avaient aucune chance numérique de réussir. Pour d’autres, à l’autre bout de l’échelle des notes, bien faire n’était en quelque sorte jamais assez bien. Alors que la barre d’entrée dans les programmes et les facultés s’élève lentement, les notes légèrement insuffisantes des élèves anéantissent leurs rêves d’avenir dans des universités ou des collèges qui s’éloignent eux-mêmes de ces méthodes d’évaluation, reconnaissant le biais et la déficience inhérente à la production d’étudiants et d’étudiantes qui ne continuent pas à poser des questions une fois qu’on leur a donné la réponse. J’ai vu dans mes classes comment mon système d’évaluation dressait les élèves les uns contre les autres, car ils érigeaient physiquement des cloisons entre eux avant de faire les tests. Ces divisions littérales sont emblématiques d’un système fondé sur la compétition et sur la conception de l’apprentissage comme exploit individuel. S’il faut une communauté pour élever un enfant, quel est l’effet de nos pratiques communautaires sur nos enfants? Comment nos modes d’évaluation et de notation normalisent-ils des systèmes qui font du mal – en privilégiant le classement plutôt que l’apprentissage?
Mon parcours d’apprentissage
En tant qu’enseignants et enseignantes, nous avons tous la possibilité d’apporter de petits changements dans nos classes, nos petites zones d’autonomie nominale. Nous pouvons modifier la façon dont nous traitons les élèves lorsqu’ils entrent dans la salle, la façon dont nous utilisons leurs noms et leurs pronoms préférés, la façon dont la classe est organisée pour être accueillante et accessible à tous, ou peut-être même les langues qu’ils voient sur les murs ou qu’ils entendent lorsqu’ils sont accueillis. Si le lien entre la notation et l’enseignement est inextricable, alors pour moi, la première étape pour rendre mon système d’évaluation plus décolonisé, équitable et socialement juste a été de commencer par la façon dont je traitais les élèves en salle de classe au quotidien. Je ne les traite pas comme des numéros. Je rends mes cours plus accueillants grâce à une pédagogie fondée sur la bienveillance, la recherche et l’inclusion. Je consacre chaque jour un peu plus de temps à l’expression et à l’orientation des élèves. Mon premier pas a été petit. Ça été facile pour eux et ça été facile pour moi. Ensuite, j’ai pris le temps d’observer et de ressentir comment le simple fait de rendre ma classe plus accueillante et plus centrée sur les élèves avait des effets positifs et chaleureux sur eux, sur la façon dont ils interagissaient les uns avec les autres, avec moi et avec l’environnement d’apprentissage. Ce seul geste a aidé mes élèves à participer, a réduit les problèmes de gestion de la classe et a rendu les élèves plus ouverts aux récits des autres, car ils ont commencé à les entendre et à les voir se refléter davantage autour d’eux.
Bien que j’aie commencé par de petites étapes, l’effet positif de ces changements sur ma classe était clair et a jeté les bases pour que je continue à modifier mes pratiques en salle de classe pour qu’elles s’alignent sur mon approche pédagogique et mon système d’évaluation. Pour moi, ce parcours a été éclairé par le travail de Jesse Stommel. Stommel remet en question la façon dont les élèves sont souvent méfiants en matière d’évaluation et propose des systèmes de notation qui sont plus compatissants ou qui tendent vers l’absence de notation. Je voulais vraiment aligner mes pratiques sur l’évaluation et j’avais enfin trouvé un point de départ sous forme de « quête ».
La quête pour mieux faire
Ce n’est pas un quiz, ce n’est pas un test, c’est une quête. Au lieu d’évaluer les connaissances des élèves dans le cadre d’évaluations compétitives typiques qui mesurent leur capacité à régurgiter des noms et des dates, nous faisons des quêtes. Les quêtes sont des évaluations collaboratives à livre ouvert qui mettent l’accent sur l’inclusivité et le processus de production d’une réponse plutôt que sur le résultat. Elles mettent l’accent sur la réflexion, la recherche et la collaboration plutôt que sur la mémoire, l’individualisme et la compétition.
La première fois que j’ai présenté le concept de la quête à mes élèves, je les ai laissés voter sur différentes options d’évaluation, dont la quête. Beaucoup d’entre eux en ont vu les avantages, mais certains ont pensé que c’était simplement « plus facile » qu’un test. Après avoir fait quelques quêtes et augmenté le niveau de rigueur et de pensée critique dans les questions, presque tous, si ce n’est tous, ont encore voté pour la quête comme méthode d’évaluation. L’assiduité a généralement augmenté.
Pour faciliter les quêtes, deux élèves se portent volontaires pour aider les élèves de la classe à s’organiser et à se répartir les responsabilités liées à la réalisation du travail. Ils aident également les élèves à se retrouver et à utiliser leurs connaissances collectives pour obtenir une réponse et une note finale qui peuvent être débattues afin de trouver un consensus. Les leaders contribuent à la médiation des opinions et s’assurent que les voix de chacun sont entendues et respectées. Les élèves peuvent constater que même dans une communauté qui travaille ensemble, les dirigeants et dirigeantes doivent se lever et défendre ce qui est juste, et qu’ils ont ce rôle parce qu’ils plaident pour le bien commun, l’inclusion et l’exemplarité.
Après chaque quête, j’appelle les parents ou tuteurs des deux leaders qui aident la classe à réussir en donnant l’exemple d’une communication efficace et respectueuse, d’une éthique de travail et de stratégies de collaboration. C’est ce que j’appelle le « Golden call home » (l’appel d’or à la maison). Les élèves volontaires savent que cet appel est prévu. Pour les élèves, cet appel renégocie la façon dont ils voient l’école et leurs actions à l’école qui ont un effet sur leur vie familiale et sur le monde. Pour les parents ou tuteurs, il redéfinit ce que nous faisons réellement dans les écoles, à savoir enseigner aux élèves qu’ils sont appréciés pour bien plus que ce qu’ils produisent. Certaines de ces discussions sont les moments les plus mémorables de ma carrière et dont je suis le plus fier, et il s’agit simplement de communiquer les réussites de mes élèves à leurs parents. En réalité, c’est bien plus complexe qu’aucun chiffre ne pourrait l’expliquer, et dans cette complexité, nous commençons à expliquer davantage ce que nous faisons et essayons de faire respecter dans les écoles publiques.
Au cours de certaines quêtes, j’ai entendu des rires dans ma salle pendant les évaluations, de même que le brouhaha de la communication et de l’apprentissage. Entendez-vous des rires dans votre salle de classe lorsque vous évaluez? Si ce n’est pas le cas, demandez-vous pourquoi. Il est peut-être temps de faire un changement. Personnellement, je suis heureux de l’avoir fait.
La quête est non seulement un processus à « livre ouvert », mais aussi à sources ouvertes. Les élèves décident eux-mêmes des sources qu’ils souhaitent utiliser et doivent parfois justifier leur utilisation de ces sources lorsqu’ils répondent. Ils ont leur mot à dire sur la méthode qu’ils souhaitent utiliser pour représenter leurs connaissances et même, dans certains cas, sur la nature et la portée des questions orientées vers la réflexion critique qu’ils abordent en fonction des aspects de la question initiale auxquels ils attachent de l’importance. Lorsqu’ils sont bloqués, les élèves peuvent même poser des questions aux adultes présents dans la salle, car même l’enseignant est un membre de leur communauté qui est « une » source, mais pas « l’unique » source des connaissances. Lorsqu’ils me posent des questions au cours d’une quête, j’y réponds en utilisant la dialectique socratique, en remettant en question leurs hypothèses et en cultivant de nouvelles questions. Les élèves travaillent tous ensemble à la réalisation d’un objectif, ils représentent leurs connaissances comme ils l’entendent (ce qui respecte la diversité des littératies) et ils utilisent les connaissances qu’ils apprécient et y réfléchissent.
Lorsque nous faisons des quêtes, tous les élèves réussissent mieux. La salle est animée par des discussions, les appareils bourdonnent pour les bonnes raisons et de nombreuses personnes communiquent leurs idées et en débattent tout en étant encouragées à faire leur propre affaire.
Même les élèves qui pensaient connaître les 2/10 de la matière en arrivant quittent la quête en ayant appris des choses et des méthodes de réussite de leurs pairs. La quête met davantage l’accent sur l’évaluation POUR l’apprentissage et COMME apprentissage, de sorte que les élèves peuvent prendre le temps qu’il faut pour la réaliser et apprennent en même temps qu’ils sont évalués.
Bien que cette approche reflète de saines pratiques d’évaluation qui vont dans le sens de la décolonisation de nos salles de classe et qui correspondent à l’engagement du système d’éducation envers l’application des recommandations de la Commission de vérité et de réconciliation, je dois toujours donner une note numérique aux élèves, comme le stipulent le ministère de l’Éducation du Manitoba et mon contrat. En faisant en sorte que cette note soit davantage axée sur l’évaluation POUR l’apprentissage et COMME apprentissage, je peux contribuer à réduire l’écart entre ce que cette note signifie et ce que je, ce que nous, voulons qu’elle représente. C’est un élément de ma façon de faire que je découvre encore et avec lequel je continue à lutter. Pour apporter des changements significatifs, j’ai dû me tourner vers ma communauté de collègues.
Travailler dans les limites d'un système imprégné de colonialisme
En demandant l’avis des élèves et, dans certains cas, en intégrant leurs suggestions sur la façon d’améliorer leurs performances et les quêtes, je suis devenu un meilleur enseignant. Mais je n’avais pas seulement besoin de leurs commentaires, j’avais aussi besoin de ma communauté si je voulais améliorer mes pratiques à la lumière des défis de demain.
Je dirais aux enseignantes et enseignants ou à toute personne qui souhaitent abandonner le système de notation, modifier son approche ou opérer un changement de quelque manière que ce soit, qu’après la première étape, celle des petits pas, la deuxième étape consiste à trouver ou à créer sa communauté. Trouvez des alliés et partagez vos quêtes, vos idées et votre soutien. C’est ainsi que le personnel enseignant peut changer les choses, en suivant les instructions que nous donnons et en permettant à la communauté d’améliorer nos pratiques. Les premières quêtes étaient très différentes de celles que je donne aujourd’hui, et elles continueront d’évoluer pour répondre aux besoins des élèves et de la société. Dans mon école, nous avons constitué un groupe d’enseignants et d’enseignantes, de conseillers et de conseillères en orientation, de consultants et de consultantes, d’administrateurs et d’administratrices et de membres de la communauté qui se réunissent de temps en temps au dîner pour manger des pâtisseries et discuter de ce que nous faisons, de ce que nous pensons et voyons dans nos domaines, et de la façon dont nous améliorons nos cours pour nos élèves et pour l’avenir. Outre la force et le soutien que ce groupe m’apporte, il m’a également montré que je n’étais pas seul. Beaucoup d’autres personnes voient les mêmes problèmes liés à la notation et à notre système d’éducation colonial et veulent changer les choses. Je ne suis pas seul. Vous n’êtes pas seul. L’une des leçons les plus importantes de l’histoire m’a été enseignée par d’autres, par mes élèves, afin que je puisse l’enseigner à mon tour à mes futurs élèves.
Au sujet de l’auteur
Samir est un mari et un père. Il enseigne à Winnipeg depuis une quinzaine d’années au niveau des classes de deuxième cycle. Bien qu’il ait passé la plupart de son temps à enseigner les sciences sociales, il a également enseigné les mathématiques, les sciences, le français langue seconde et la philosophie. Dans ses temps libres, il aime être à l’extérieur avec sa famille et faire du camping.